La prévention des risques psychosociaux (RPS) est devenue un sujet incontournable pour les entreprises, comme pour les représentants du personnel. Burn-out, surcharge de travail, tensions internes, harcèlement ou perte de sens : les situations de mal-être au travail se multiplient, et leurs conséquences peuvent être lourdes, tant pour la santé des salariés que pour l’équilibre économique de l’entreprise.
Face à cette réalité, le Code du travail impose à l’employeur une obligation générale de sécurité. Il doit évaluer les risques professionnels, y compris les RPS, et mettre en place des actions de prévention adaptées. Cette responsabilité n’est pas théorique : elle engage juridiquement la direction, qui peut être sanctionnée en cas de manquements, notamment si les troubles constatés étaient prévisibles et évitables.
Dans ce contexte, le CSE a un rôle clé à jouer. Il ne s’agit pas seulement d’une mission de vigilance, mais d’un véritable levier d’action stratégique. En s’impliquant dans l’identification, l’analyse et la prévention des RPS, les élus contribuent directement à la qualité de vie au travail, à la prévention des conflits et à la stabilité sociale de l’entreprise. La santé mentale au travail n’est plus un sujet périphérique : c’est un enjeu central de dialogue social et de performance collective.
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Comprendre les RPS et le cadre juridique de la prévention
Les risques psychosociaux (RPS) regroupent l’ensemble des situations professionnelles susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou mentale des salariés. Ils recouvrent des réalités très diverses : stress chronique, surcharge cognitive, harcèlement moral, isolement, épuisement professionnel, tensions relationnelles, conflits de valeurs… Ces troubles ne sont pas toujours visibles, mais leurs impacts sont bien réels : absentéisme, démotivation, accidents, désengagement ou turn-over.
Le Code du travail encadre de manière précise la prévention des risques professionnels, y compris les RPS. Selon l’article L. 4121-1, l’employeur est tenu d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Cette obligation est dite « de résultat », ce qui signifie qu’il ne suffit pas de démontrer une intention de bien faire : il faut prouver que des mesures concrètes ont été prises pour éviter les risques identifiables.
Concrètement, cette obligation se décline en plusieurs volets :
- Évaluation des risques, y compris les risques psychosociaux
- Mise en œuvre d’actions de prévention, collectives et individuelles
- Adaptation des mesures aux évolutions de l’organisation ou des situations de travail
- Intégration de la prévention dans l’ensemble des processus de gestion des ressources humaines
Pour formaliser cette démarche, plusieurs documents sont obligatoires :
- Le DUERP (Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels), qui doit recenser l’ensemble des risques identifiés dans l’entreprise, RPS compris.
- Un plan d’action de prévention, dans les entreprises de 50 salariés et plus, intégré au DUERP et mis à jour au moins une fois par an.
- Le rapport annuel SSCT, dans lequel sont détaillées les actions menées en matière de santé, sécurité et conditions de travail, présenté au CSE.
- Le programme annuel de prévention, dans les entreprises dotées d’une CSSCT, qui précise les mesures concrètes envisagées.
En cas de manquement à ces obligations, l’employeur peut être tenu pour responsable. Cela peut donner lieu à des sanctions civiles (dommages et intérêts), pénales (amendes, voire peines de prison en cas de faute inexcusable), ou administratives (sanctions de l’inspection du travail). La jurisprudence est claire : la carence dans la prévention des RPS constitue une faute, même si aucun accident ou pathologie n’est encore survenu.
Le rôle stratégique du CSE dans la prévention des RPS
La prévention des risques psychosociaux ne relève pas uniquement de la responsabilité de l’employeur. Le Comité Social et Économique (CSE) joue un rôle central, à la fois en tant qu’organe de contrôle, de proposition et de médiation. À travers ses prérogatives, il contribue activement à identifier, évaluer et limiter les situations à risque, dans l’intérêt des salariés comme de l’entreprise.
Sur le plan légal, le CSE s’inscrit pleinement dans le dispositif de prévention prévu par le Code du travail. Il est consulté sur les politiques de santé, sécurité et conditions de travail, notamment lors des consultations annuelles sur la politique sociale et l’organisation du travail. Il peut émettre des avis, proposer des améliorations et demander des explications à l’employeur.
Parmi ses leviers d’action :
- Le droit d’alerte pour risque grave, qui permet de signaler toute situation susceptible de porter atteinte à la santé mentale ou physique d’un salarié.
- Le recours à un expert habilité, financé par l’employeur dans certaines situations (risque grave avéré, projet de réorganisation, etc.).
- L’analyse du DUERP et du rapport SSCT, dans le cadre de ses réunions récurrentes, avec possibilité de demander des mises à jour ou des mesures correctives.
Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, ou dans les structures présentant des risques spécifiques, le rôle de la Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT) devient fondamental. Cette commission prépare les travaux du CSE en matière de prévention, réalise des enquêtes en cas d’accident ou de souffrance au travail, et peut formuler des propositions très opérationnelles.
Le CSE agit aussi comme un relai entre les salariés et l’employeur, capable de faire remonter les signaux faibles, de mettre en lumière des dysfonctionnements organisationnels ou relationnels, et de favoriser le dialogue autour des conditions de travail. En ce sens, il peut également s’appuyer sur des partenaires extérieurs, comme les services de santé au travail, les ergonomes, les psychologues du travail ou les formateurs spécialisés.
Quelques exemples d’actions concrètes illustrant cette posture stratégique :
- Remonter les résultats d’un baromètre interne sur le stress ou la charge mentale
- Coanimer des groupes de travail avec la direction sur les causes du mal-être
- Proposer l’intégration d’indicateurs RPS dans les bilans sociaux
- Demander une expertise en cas de réorganisation avec risques psycho‑sociaux
- Suivre la mise en œuvre d’un plan d’action post-audit ou post-enquête interne
À travers ces initiatives, le CSE ne se contente pas de réagir : il devient un acteur à part entière de la co‑construction d’un environnement de travail plus sain, plus équitable et plus durable, en lien étroit avec les obligations de l’entreprise mais aussi avec les attentes réelles des équipes.
Intégrer les enjeux RPS dans une vision globale de l’entreprise
Les risques psychosociaux ne sont pas seulement le symptôme de souffrances individuelles : ils révèlent souvent des dysfonctionnements structurels, liés à l’organisation du travail, au management, à la charge mentale ou à un défaut de reconnaissance. Les ignorer revient à masquer des signaux faibles qui, à terme, peuvent affecter l’ensemble de l’entreprise, aussi bien en matière de climat social que de performance économique.
Identifier les RPS comme des indicateurs de déséquilibres organisationnels permet d’agir en amont : tensions dans les équipes, surcharge de travail, manque d’autonomie, objectifs flous, défaut de coordination, rapports hiérarchiques dégradés… Ces éléments, s’ils sont repérés à temps, peuvent donner lieu à des ajustements concrets et améliorer le fonctionnement global de la structure.
La prévention des RPS s’inscrit ainsi pleinement dans une démarche de Qualité de Vie au Travail (QVT), dont les retombées dépassent largement le cadre de la santé mentale. En favorisant un environnement plus stable, plus respectueux et plus clair pour les collaborateurs, l’entreprise renforce sa capacité d’engagement collectif, réduit l’absentéisme et limite les conflits internes. Ce lien entre bien-être au travail et performance collective est aujourd’hui largement documenté et reconnu.
Au-delà de la conformité, c’est donc une véritable stratégie managériale qui se dessine : une organisation capable de prévenir les RPS est une organisation qui sait écouter, adapter et mobiliser ses ressources humaines autour d’un objectif commun. Cette posture suppose d’impliquer tous les niveaux hiérarchiques, mais aussi de valoriser le rôle du CSE dans cette dynamique de transformation.
Les élus du personnel ont toute leur place dans cette approche globale. Ils doivent être formés, outillés et légitimés pour participer à cette évolution :
- Formations spécifiques sur les RPS, la charge mentale, le harcèlement ou les conflits
- Accès aux résultats d’enquêtes internes, baromètres sociaux ou indicateurs de climat
- Capacité à proposer des améliorations lors des réorganisations ou changements d’outils
- Participation à l’élaboration de plans QVT ou à des groupes de travail transverses
En devenant des acteurs du changement, les élus ne sont plus de simples relayeurs de doléances : ils apportent une expertise de terrain, une connaissance fine des situations vécues, et une capacité à faire le lien entre les enjeux humains, économiques et organisationnels. La prévention des RPS n’est plus un simple devoir : c’est une opportunité stratégique pour l’entreprise.
La prévention des risques psychosociaux est une responsabilité partagée, mais le CSE joue un rôle pivot dans ce dispositif. À la croisée des préoccupations des salariés, des obligations de l’employeur et des dynamiques internes à l’entreprise, les élus ont la capacité de transformer des signaux d’alerte en leviers d’action.
Ce rôle exige toutefois des moyens : du temps, de la formation, de l’accès à l’information, et parfois l’appui d’experts externes. Mais il s’inscrit dans une logique de co-construction bénéfique à tous. En intégrant les enjeux RPS dans la stratégie globale de l’entreprise, le CSE participe à renforcer la qualité du dialogue social, la performance collective et le bien-être durable des équipes.
Loin d’un sujet secondaire ou d’un simple impératif réglementaire, la prévention des RPS est devenue un marqueur fort de maturité sociale et managériale. Et les élus du CSE, bien formés et impliqués, en sont des acteurs incontournables.
Vos questions sur la prévention des RPS
Le CSE est-il juridiquement responsable en cas de RPS dans l’entreprise ?
Non. C’est l’employeur qui porte la responsabilité juridique de la santé et sécurité des salariés. Le CSE a un rôle d’alerte, de proposition et de suivi, mais il n’est pas responsable des manquements de l’entreprise.
La prévention des RPS est-elle obligatoire ?
Oui. L’article L.4121-1 du Code du travail impose à l’employeur d’évaluer les risques, y compris psychosociaux, et de mettre en œuvre des actions de prévention adaptées. Cette évaluation doit être intégrée au DUERP.
Le CSE peut-il demander une expertise RPS ?
Oui. En cas de risque grave ou dans le cadre d’une consultation sur une réorganisation importante, le CSE peut se faire assister par un expert agréé en santé, sécurité et conditions de travail, pris en charge par l’employeur.
Que faire si l’employeur minimise ou ignore les RPS signalés ?
Le CSE peut utiliser son droit d’alerte, demander l’inscription du sujet à l’ordre du jour, alerter l’inspection du travail ou, en cas d’urgence, déclencher une procédure de danger grave et imminent.