Depuis les ordonnances Macron de septembre 2017, le paysage du dialogue social en entreprise a été profondément réorganisé. L’une des mutations les plus marquantes est la disparition du CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), remplacé par une commission spécifique au sein du Comité Social et Économique : la Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT).
Obligatoire dans les entreprises d’au moins 300 salariés ou présentant des risques particuliers (installations classées, travaux dangereux), la CSSCT est aujourd’hui présente dans près de 75 % des entreprises concernées selon les données du ministère du Travail. Pourtant, sa structuration, ses missions et son articulation avec les autres instances restent encore floues pour de nombreux élus.
Dans un contexte marqué par la montée des risques psychosociaux, la généralisation du télétravail, la multiplication des troubles musculo-squelettiques ou encore les exigences croissantes en matière de qualité de vie au travail (QVT), la CSSCT apparaît comme un levier incontournable pour une politique de prévention ambitieuse et cohérente.
Bien au-delà d’une simple instance technique, cette commission est aujourd’hui un espace stratégique de dialogue, d’analyse et d’action sur les enjeux de santé au travail. Encore faut-il en comprendre les contours juridiques, les outils à disposition, et le rôle que peuvent jouer les élus du personnel pour en faire un véritable outil de transformation sociale.
Cadre légal et conditions de mise en place de la CSSCT
La Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT) tire son fondement juridique des ordonnances Macron de 2017, qui ont refondu l’architecture du dialogue social en fusionnant les anciennes instances représentatives du personnel au sein du Comité Social et Économique (CSE). Cette transformation a été actée par les articles L.2315-36 à L.2315-44 du Code du travail, consacrant la CSSCT comme une émanation du CSE dédiée aux questions de santé, de sécurité et de conditions de travail.
Entreprises concernées : une obligation selon la taille ou les risques
La mise en place d’une CSSCT est obligatoire dans deux cas de figure :
- Dans les entreprises ou établissements distincts d’au moins 300 salariés.
- Dans les structures présentant des risques particuliers, quel que soit l’effectif : activités classées Seveso, rayonnements ionisants, travail en hauteur, exposition à l’amiante, etc.
En dehors de ces cas, la création d’une CSSCT reste facultative mais fortement recommandée, notamment pour les entreprises engagées dans une démarche proactive de prévention des risques.
Mise en place : négociation collective ou décision unilatérale
La CSSCT peut être instaurée :
- Par accord collectif entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives. Cet accord détermine la composition, les missions déléguées, les moyens alloués et les modalités de fonctionnement.
- À défaut d’accord, par décision unilatérale de l’employeur après consultation du CSE. Dans ce cas, la direction fixe elle-même les règles d’organisation, dans le respect du socle légal minimal.
Le règlement intérieur du CSE : socle de fonctionnement de la CSSCT
Le fonctionnement de la CSSCT doit impérativement être précisé dans le règlement intérieur du CSE, document cadre dont l’élaboration est obligatoire pour toutes les entreprises ayant mis en place un comité.
Ce règlement doit mentionner :
- Le nombre de membres de la commission (issus du CSE)
- La fréquence des réunions (au minimum trimestrielle en règle générale)
- Les modalités de convocation et d’établissement de l’ordre du jour
- Les conditions de consultation et de remontée d’informations vers le CSE plénier
Ce document doit être adopté en séance plénière du CSE, et constitue un levier structurant pour garantir l’opérationnalité et la légitimité de la CSSCT au sein de l’organisation. Une rédaction rigoureuse du règlement est donc essentielle pour éviter les ambiguïtés et sécuriser les pratiques.
Missions, prérogatives et fonctionnement de la CSSCT
La Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT) n’est pas une instance autonome : elle agit par délégation du CSE, dont elle prolonge l’action sur les sujets liés à la prévention des risques professionnels, à la santé des salariés et à l’amélioration des conditions de travail. À ce titre, son champ d’intervention est à la fois technique, stratégique et essentiel à la mise en œuvre d’un dialogue social efficace sur les enjeux de santé au travail.
Des missions définies et déléguées par le CSE
Le Code du travail confie à la CSSCT les missions suivantes, par délégation du CSE :
- Analyser les risques professionnels auxquels sont exposés les salariés
- Contribuer à la prévention des atteintes à la santé physique et mentale
- Promouvoir l’amélioration des conditions de travail, y compris l’ergonomie et l’organisation des postes
- Mener des enquêtes en cas d’accidents du travail, de maladies professionnelles ou à caractère professionnel
- Participer à l’analyse des documents obligatoires : DUERP, fiches d’exposition, registre santé sécurité, etc.
La CSSCT joue ainsi un rôle central dans la construction d’une politique de prévention concertée, réactive et adaptée à la réalité du terrain.
Composition : une représentation issue du CSE
La CSSCT est composée exclusivement de membres du CSE, titulaires ou suppléants, désignés par délibération du comité. Il n’existe pas de règle uniforme sur le nombre de membres, mais un accord ou le règlement intérieur du CSE peut en fixer les modalités précises, en tenant compte de la taille de l’entreprise, de ses risques et de sa configuration géographique.
La durée du mandat des membres de la CSSCT est calquée sur celle du mandat CSE. L’employeur peut assister aux réunions, mais n’est pas membre de la commission.
Modalités de réunion, droit à expertise et à formation
Les réunions de la CSSCT doivent se tenir au moins une fois par trimestre. Toutefois, une fréquence plus élevée peut être prévue dans les entreprises à risques ou en cas de contexte particulier (transformation des conditions de travail, accident grave, etc.).
Le président du CSE ou son représentant convoque les membres, établit l’ordre du jour conjointement avec le secrétaire de la commission, et veille à la transmission des documents préparatoires. La CSSCT peut :
- Faire appel à un expert habilité, dans les mêmes conditions que le CSE (par exemple en cas de projet important modifiant les conditions de travail)
- Bénéficier d’un droit à la formation spécifique, prise en charge sur le budget de fonctionnement : cette formation santé-sécurité est obligatoire pour les membres de CSSCT dans les entreprises d’au moins 300 salariés
La CSSCT est un interlocuteur privilégié de l’employeur sur les sujets de santé au travail, mais elle doit également entretenir des relations régulières avec :
- L’inspection du travail, qui peut assister à ses réunions ou en solliciter les comptes rendus
- Le service de santé au travail, dont les préconisations doivent être prises en compte dans l’analyse des risques
- Les autres commissions du CSE, notamment celles en lien avec l’organisation du travail ou les conditions matérielles (logement, transport…)
Cette articulation garantit une approche systémique de la santé au travail, dans laquelle la CSSCT joue un rôle de coordination, de suivi et d’alerte permanent.
Un outil stratégique pour renforcer la politique de santé et sécurité
La CSSCT n’est pas seulement une obligation réglementaire : elle constitue un véritable levier stratégique pour bâtir une politique de prévention solide, continue et concertée. Grâce à sa composition restreinte, sa technicité et sa proximité avec les réalités du terrain, cette commission favorise un dialogue régulier et pragmatique entre élus, direction et acteurs de la santé au travail.
La CSSCT permet d’instaurer un espace de discussion dédié, technique et réactif sur l’ensemble des problématiques liées à la santé au travail. Là où les réunions plénières du CSE traitent de nombreux sujets en parallèle, la CSSCT se concentre sur :
- L’identification des situations à risque, signalées par les salariés, la médecine du travail ou les IRP
- L’analyse des causes des accidents du travail ou incidents répétés
- L’élaboration de propositions concrètes de prévention, soumises ensuite au vote du CSE
Elle permet ainsi de sortir d’une logique purement curative pour adopter une démarche proactive et co-construite.
Suivi du DUERP, des RPS, de la QVT et des aménagements
La CSST joue un rôle central dans l’actualisation annuelle du Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP). Elle participe à l’identification des risques, à l’analyse des situations de travail, et à la priorisation des mesures de prévention. Ce suivi technique est fondamental pour assurer la conformité de l’entreprise mais surtout l’efficacité des plans d’actions.
Parmi les thématiques particulièrement suivies par la commission :
- Les risques psychosociaux (RPS) : surcharge, tensions, harcèlement, burn-out
- La qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) : ergonomie, climat social, équilibre pro/perso
- Les aménagements de poste, notamment pour les salariés en situation de handicap ou de retour d’arrêt maladie
Télétravail, harcèlement : des champs d’intervention en mutation
Les nouvelles formes d’organisation du travail, notamment le télétravail, nécessitent une vigilance particulière de la part de la CSSCT. L’isolement, la charge mentale, l’absence de repères horaires peuvent créer de nouveaux risques qu’il convient d’identifier et d’encadrer.
La CSSCT intervient également dans le traitement des situations de harcèlement moral ou sexuel, en lien avec la médecine du travail, les représentants syndicaux et parfois la cellule d’écoute externe. Elle peut être mobilisée pour proposer des mesures conservatoires, évaluer les conditions de travail du collectif concerné et contribuer à la prévention des risques.
Cas pratiques : des actions concrètes initiées par la CSSCT
De nombreuses entreprises ayant structuré leur CSSCT témoignent d’actions concrètes menées grâce à cette instance :
- Mise en place de parcours d’ergonomie dans les ateliers industriels, avec achat de matériels adaptés
- Création d’une charte du télétravail, co-construite entre CSSCT et direction pour encadrer les temps de connexion
- Organisation de campagnes de sensibilisation aux risques RPS (ateliers, fresques, webinaires…)
- Accompagnement individuel de salariés en situation de retour après burn-out, avec adaptation du poste
Autant d’initiatives qui illustrent l’utilité opérationnelle et stratégique de la CSSCT lorsqu’elle est dotée de moyens, reconnue dans son rôle et pleinement intégrée dans la gouvernance sociale de l’entreprise.
Réaffirmer la place centrale de la CSSCT dans la gouvernance sociale d’entreprise
À l’heure où les risques professionnels se complexifient, où la santé mentale prend une place croissante dans les préoccupations collectives et où les attentes des salariés en matière de qualité de vie au travail s’intensifient, la CSSCT s’impose comme un maillon stratégique de la gouvernance sociale. Trop souvent perçue comme une simple obligation réglementaire, elle doit désormais être reconnue comme un outil opérationnel d’anticipation, de dialogue et de transformation sociale.
Renforcer son action passe par plusieurs leviers : former les membres de la commission, valoriser ses travaux dans les réunions plénières du CSE, mieux articuler ses analyses avec les politiques RH et QVT, et lui allouer des moyens adaptés à ses missions. Les entreprises qui font ce choix y gagnent en crédibilité sociale, en prévention des risques, mais aussi en performance organisationnelle.
Investir dans la CSSCT, c’est construire un collectif de travail plus sain, plus résilient et plus engagé. Il appartient aux élus CSE, comme aux directions d’entreprise, de saisir pleinement ce levier d’action pour faire de la santé au travail une priorité partagée et durable.
La commission CSSCT : en résumé
Qu’est‑ce que la CSSCT et pourquoi existe‑t‑elle ?
La CSSCT (Commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail) est créée depuis les ordonnances Macron de 2017 pour renforcer la prévention des risques dans les entreprises de plus de 300 salariés ou à sites à forts risques. Elle remplace le CHSCT et formalise une instance spécialisée au sein du CSE dédiée à la santé au travail, aux RPS et aux conditions de travail, avec des droits renforcés d’expertise et de formation.
Quelles entreprises sont concernées par l’obligation de CSSCT ?
Sont concernées toutes les entreprises employant au moins 300 salariés ou disposant d’établissements présentant des risques particuliers (industrie, BTP, chimie…). La décision de mise en place peut être fixée par un accord collectif ou une décision unilatérale de l’employeur en l’absence d’accord, et s’intègre au règlement intérieur du CSE.
Quelles sont les missions concrètes de la CSSCT ?
La CSSCT a pour missions la prévention des risques professionnels, le suivi du DUERP, l’intervention sur les RPS, l’aménagement des postes de travail, et la conduite d’enquêtes en cas d’accidents du travail ou maladies professionnelles. Elle peut demander des expertises, bénéficier d’heures dédiées, et ses travaux sont intégrés dans le dialogue social avec l’employeur.
Comment renforcer l’impact de la CSSCT au sein du CSE ?
Pour renforcer son efficacité, il est conseillé de former régulièrement ses membres, de définir un ordre du jour structuré, d’articuler ses actions avec les politiques RH et QVT de l’entreprise, et de valoriser ses recommandations en réunion plénière du CSE. Ce positionnement stratégique favorise un dialogue social proactif et une prévention durable.