Lorsqu’une entreprise atteint ou dépasse le seuil de 11 salariés pendant douze mois consécutifs, l’employeur est légalement tenu d’organiser des élections professionnelles en vue de mettre en place le Comité Social et Économique (CSE). Cette obligation, inscrite à l’article L2314-4 du Code du travail, constitue un pilier du dialogue social et de la représentation des salariés en entreprise.
Le CSE joue un rôle central dans la vie sociale, économique et organisationnelle des entreprises : il est chargé de porter la voix des salariés, de veiller au respect du droit du travail, de participer aux consultations obligatoires, d’améliorer les conditions de travail et d’assurer un lien régulier entre la direction et le personnel. Son absence doit donc être dûment justifiée, d’où l’importance du procès-verbal de carence.
Le procès-verbal de carence, ou PV de carence, est un document à valeur juridique permettant de constater l’impossibilité de tenir une réunion du CSE ou d’aboutir à l’élection de ses membres. Il atteste que l’employeur a respecté ses obligations (convocation des élus, organisation des élections, affichage des informations) mais que, malgré ces démarches, la réunion n’a pas pu se tenir ou le CSE n’a pas pu être constitué, souvent faute de candidats ou de participation suffisante.
Ce document n’est pas une simple formalité : il conditionne la régularité de nombreuses décisions internes à l’entreprise. Il peut notamment être exigé par l’inspection du travail, invoqué en cas de contentieux prud’homal, ou produit pour justifier l’absence de représentants du personnel lors de procédures collectives sensibles (licenciements, restructurations, consultations sociales, etc.).
Cet article a pour but d’apporter un éclairage précis, pratique et rigoureux sur le PV de carence. À destination des élus de CSE, des responsables RH et des employeurs, il expose les cas dans lesquels il est obligatoire, les démarches à suivre, les éléments à y faire figurer, ainsi que les conséquences juridiques en cas d’oubli ou de négligence.
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Qu’est-ce qu’un procès-verbal de carence du CSE ?
Le procès-verbal de carence, dans le cadre du Comité Social et Économique (CSE), est un document officiel permettant de constater l’absence de réunion ou l’échec du processus électoral. Il s’agit d’un acte à valeur juridique, encadré par le Code du travail, qui permet à l’employeur de justifier qu’il a rempli ses obligations légales, malgré l’absence de résultats concrets (élus, réunion tenue, etc.).
Sa fonction principale est de sécuriser juridiquement l’entreprise en cas de contrôle, de contentieux ou de procédure impliquant les représentants du personnel. C’est un outil de preuve essentiel pour attester de l’organisation effective d’élections professionnelles ou de la convocation régulière d’une réunion plénière du CSE, même si ces démarches n’ont pas abouti.
Différence entre carence totale et carence partielle
Il convient de distinguer deux types de carence dans le fonctionnement du CSE :
- La carence totale survient lorsqu’aucun élu n’a pu être désigné, faute de candidatures ou d’atteinte du quorum à l’issue des deux tours des élections professionnelles. Aucun membre du CSE n’est élu, et un PV de carence doit être établi pour chaque collège concerné.
- La carence partielle, à l’inverse, ne nécessite pas un PV distinct. Elle correspond à une situation où certains sièges n’ont pas été pourvus, mais où le CSE peut malgré tout être mis en place. Cette mention figure alors dans le procès-verbal des élections.
Le PV de carence comme preuve en droit du travail
En droit du travail, le procès-verbal de carence a une valeur probatoire reconnue. Il permet à l’employeur de démontrer, en cas de litige ou de contrôle par l’inspection du travail, qu’il a bien respecté ses obligations en matière de représentation du personnel.
En l’absence de ce document, un salarié ou une organisation syndicale peut engager la responsabilité de l’employeur, avec des conséquences importantes : nullité d’une procédure collective, irrégularité d’un licenciement économique, ou condamnation pour délit d’entrave.
Dès lors, il est essentiel que ce PV soit établi dans les règles, signé, transmis aux autorités compétentes, et affiché dans l’entreprise pour assurer sa pleine opposabilité.
PV de carence suite aux élections professionnelles : dans quels cas le rédiger ?
L’employeur est tenu d’organiser les élections professionnelles dès que l’effectif de l’entreprise atteint au moins 11 salariés pendant 12 mois consécutifs. Cette obligation s’applique, même en l’absence de candidats. Dans ce cas, un procès-verbal de carence doit être rédigé si, à l’issue des deux tours du scrutin, aucun salarié ne s’est porté candidat.
Le PV de carence est obligatoire uniquement après le second tour, lorsque aucune candidature n’a été enregistrée, que ce soit lors du 1er tour (réservé aux syndicats) ou du second (ouvert à tous les salariés éligibles). Ce document permet d’attester formellement de l’impossibilité de mettre en place un CSE en l’absence de volontaires.
Quorum non atteint et absence de représentativité
Un autre cas fréquent de carence survient lorsque le quorum requis au 1er tour n’est pas atteint. Ce seuil correspond à une participation d’au moins 50 % des électeurs inscrits. En l’absence de quorum, les résultats du 1er tour sont invalidés, même si des candidatures syndicales avaient été déposées.
Dans cette situation, un second tour doit obligatoirement être organisé. Si, lors de ce second scrutin, aucun candidat ne se présente ou si la participation est de nouveau insuffisante, l’employeur établit un PV de carence total.
À noter : un PV de carence n’est jamais rédigé après le 1er tour seul. La loi impose d’attendre le second tour pour constater légalement l’absence d’élus.
Particularités selon la taille de l’entreprise (11-20 / +20 salariés)
Les modalités d’organisation des élections professionnelles diffèrent selon la taille de l’entreprise, ce qui impacte les conditions de rédaction du PV de carence :
- Entreprises de 11 à 20 salariés : si, 30 jours après l’information des salariés, aucun d’eux ne se manifeste pour se porter candidat, l’employeur peut établir un PV de carence sans même avoir à engager le processus électoral formel. Il n’y a pas d’obligation de convocation d’un 1er tour en l’absence de toute candidature.
- Entreprises de plus de 20 salariés : l’employeur doit obligatoirement convoquer les organisations syndicales à une négociation d’un protocole d’accord préélectoral (PAP), annoncer la date du 1er tour, et mettre en œuvre les deux tours même en cas d’absence de candidatures. Le PV de carence est alors établi à l’issue de ce processus complet.
Cas des collèges distincts et carences partielles
Lorsqu’il existe plusieurs collèges électoraux (ex. : ouvriers/employés et cadres/agents de maîtrise), il peut arriver que la carence ne concerne qu’un seul collège.
Dans ce cas, un PV de carence doit être rédigé par collège concerné. Il est donc tout à fait possible d’avoir un CSE partiellement constitué, avec des sièges pourvus dans un collège et vacants dans l’autre. Cette carence partielle n’exige pas un PV spécifique global : elle est simplement mentionnée dans le procès-verbal des élections.
En revanche, si aucun siège n’a pu être pourvu dans l’ensemble des collèges, un PV de carence total est alors établi, ce qui entraîne l’absence de CSE dans l’entreprise jusqu’à de nouvelles élections.
PV de carence en cas d’absence de réunion CSE : quelles situations concernées ?
Une réunion du Comité Social et Économique ne peut être tenue que si les membres titulaires sont présents. Il arrive cependant que, malgré la convocation régulière adressée par l’employeur, aucun élu ne se présente le jour prévu. Cette situation, bien que rare, nécessite la rédaction d’un procès-verbal de carence.
Le PV de carence dans ce contexte doit être rédigé par le secrétaire du CSE. Il doit y être précisé que l’employeur a bien respecté son obligation de convocation et que l’absence de réunion résulte exclusivement de l’indisponibilité des représentants du personnel. Ce document protège l’employeur d’une accusation de délit d’entrave et prouve que les obligations légales ont été respectées.
Réunion annulée faute d’ordre du jour
Autre cas fréquent : l’absence d’ordre du jour. Selon le Code du travail, toute réunion du CSE, qu’elle soit ordinaire ou extraordinaire, doit être préparée conjointement par le président du CSE (souvent l’employeur) et le secrétaire. En l’absence d’ordre du jour, la réunion ne peut matériellement pas avoir lieu, ce qui constitue un motif suffisant pour établir un PV de carence.
Ce cas se présente notamment en période estivale ou lorsqu’aucun point n’est à traiter dans l’immédiat. Le PV mentionne alors l’absence d’ordre du jour comme cause de la non-tenue de la séance. Il permet de justifier la situation auprès des salariés, mais également en cas de contrôle de l’inspection du travail.
Obligations de convocation et de justification légale
La convocation du CSE à ses réunions est une obligation stricte de l’employeur. Elle doit être envoyée dans les délais prévus, accompagnée de l’ordre du jour. Même si l’employeur a connaissance de l’absence annoncée de certains élus, il est tenu de maintenir la convocation. Il appartient ensuite aux représentants du personnel de demander, le cas échéant, l’annulation ou le report de la réunion.
Dans tous les cas où la réunion ne peut avoir lieu — qu’il s’agisse d’une absence des élus, d’un manque d’ordre du jour, ou d’une autre circonstance exceptionnelle — un procès-verbal de carence doit être établi. Il contient notamment :
- La date, l’heure et le lieu de la réunion initialement prévue ;
- La liste des élus convoqués ;
- La raison justifiant la non-tenue de la réunion.
Ce PV doit être affiché dans l’entreprise et conservé. Il peut être transmis à l’inspection du travail sur demande et sert à prouver que les procédures prévues ont bien été suivies, même si la réunion n’a pas pu se dérouler.
Quelle est la procédure de rédaction et de transmission du PV de carence ?
La responsabilité de rédaction du procès-verbal de carence dépend de la situation :
- En cas de carence électorale, c’est l’employeur qui établit le PV. Il centralise les éléments relatifs à l’organisation du scrutin, les dates des tours, l’éventuelle absence de candidatures, et les formalités d’affichage ou de communication aux salariés.
- En cas de non-tenue de réunion CSE, la rédaction revient au secrétaire du CSE, en tant que garant des procès-verbaux. Ce PV vise à constater l’impossibilité de tenir la séance prévue, tout en attestant que les obligations de convocation ont bien été respectées.
Informations obligatoires à faire figurer
Pour être valable juridiquement, le PV de carence doit contenir un ensemble d’éléments précis. En cas d’élections professionnelles, les informations suivantes doivent figurer :
- L’identification complète de l’entreprise : raison sociale, adresse, numéro SIRET ;
- Le calendrier électoral : date des convocations, des affichages, du 1er et du 2nd tour ;
- Le détail de l’absence de candidatures ou de quorum ;
- Le cas échéant, la mention des collèges concernés par la carence ;
- La date, le lieu et les circonstances de rédaction du PV ;
- La signature de l’employeur.
Dans le cas d’une réunion non tenue, on précisera également :
- La liste des personnes convoquées ;
- L’ordre du jour prévu, s’il avait été établi ;
- Le motif exact de la carence (absence d’élus, défaut d’ordre du jour…).
Modèle Cerfa et transmission à la DREETS et au CTEP
Le ministère du Travail met à disposition un formulaire Cerfa officiel (n°15248*05 depuis août 2023), qu’il est fortement recommandé d’utiliser pour éviter tout oubli d’informations obligatoires. Ce modèle peut être rempli manuellement ou par voie électronique via le portail dédié.
Une fois rédigé, le PV de carence doit être transmis comme suit :
- Deux exemplaires à la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) ;
- Un exemplaire au CTEP (Centre de traitement des élections professionnelles) à l’adresse : TSA 92315 – 62971 ARRAS CEDEX 9 ;
- La transmission doit avoir lieu dans un délai de 15 jours suivant le second tour des élections.
Dans le cadre d’un scrutin électronique, la transmission se fait via la plateforme officielle : elections-professionnelles.travail.gouv.fr, qui génère un accusé de réception.
Affichage et diffusion en interne
Au-delà des envois obligatoires aux autorités, le procès-verbal de carence doit être porté à la connaissance des salariés. Il convient de l’afficher sur les panneaux d’information habituels de l’entreprise ou via les canaux internes (intranet, messagerie, etc.), en veillant à dater l’information.
En cas de carence partielle ou totale, le PV peut également être transmis aux organisations syndicales ayant participé à la procédure électorale. Cette transparence permet de sécuriser le dialogue social et d’éviter toute remise en cause ultérieure du processus.
Quels sont les risques pour l’employeur en l’absence de PV de carence ?
Ne pas établir un procès-verbal de carence lorsqu’il est requis constitue une faute grave pour l’employeur. En l’absence de ce document, rien ne prouve qu’il a accompli les démarches nécessaires à la tenue des élections professionnelles ou des réunions du CSE. Ce manquement peut être qualifié de délit d’entrave à la mise en place ou au fonctionnement du CSE, en vertu de l’article L.2317-1 du Code du travail.
Ce délit est passible de 7 500 € d’amende pour les personnes physiques et, en cas de récidive ou de circonstances aggravantes, d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à un an. En outre, l’inspection du travail peut diligenter un contrôle et établir un procès-verbal transmis au procureur de la République.
Nullité ou irrégularité des décisions prises
En l’absence de représentants du personnel, certaines décisions prises par l’employeur doivent faire l’objet d’une consultation obligatoire du CSE. C’est notamment le cas pour :
- Le règlement intérieur ;
- Le recours à des ruptures conventionnelles collectives ;
- Le recours massif à l’intérim ou à la sous-traitance ;
- Les modifications importantes de l’organisation du travail.
Si aucun CSE n’a été mis en place et qu’aucun PV de carence n’est produit pour le justifier, ces décisions peuvent être annulées ou considérées comme irrégulières. Cela peut entraîner des conséquences sur la validité de procédures RH ou sur la conformité d’accords internes.
Risques de contentieux prud’homal en cas de licenciement ou consultation non conforme
L’absence de PV de carence peut aussi fragiliser un employeur dans le cadre d’un litige aux prud’hommes. Par exemple :
- En cas de licenciement pour inaptitude, l’employeur doit consulter le CSE. S’il ne le fait pas et qu’il ne peut produire un PV de carence, le salarié peut obtenir des dommages et intérêts pour irrégularité de procédure.
- Pour un licenciement économique, l’absence de consultation du CSE sans justification valable peut entraîner une remise en cause de la procédure et la condamnation de l’employeur à verser une indemnité spécifique.
La jurisprudence reconnaît en effet la valeur probatoire du PV de carence pour prouver que l’employeur a tenté de respecter ses obligations, même si le processus n’a pas abouti.
Impossibilité de négocier certains accords
Dans les entreprises de 50 salariés et plus, l’existence d’un CSE est indispensable pour pouvoir conclure certains accords collectifs. En son absence, l’employeur peut théoriquement négocier avec un salarié mandaté, mais uniquement si un PV de carence total est établi.
Sans ce document, les négociations sont considérées comme non valides, et les accords conclus peuvent être contestés pour vice de forme ou de fond. Cela concerne, par exemple, les accords de performance collective, les accords sur le temps de travail ou les dispositifs d’intéressement.
En résumé, l’absence de PV de carence peut non seulement exposer l’employeur à des sanctions pénales, mais aussi remettre en cause la validité de nombreuses actions ou décisions prises en entreprise. C’est un document indispensable pour sécuriser juridiquement l’absence d’instance représentative du personnel.
La rédaction d’un procès-verbal de carence ne doit jamais être perçue comme une simple formalité administrative. Qu’il s’agisse d’une carence électorale ou d’une réunion du CSE non tenue, ce document constitue une garantie juridique pour l’employeur et un élément de transparence à l’égard des salariés.
En l’absence de représentants du personnel, seule la production d’un PV de carence en bonne et due forme permet de justifier que l’entreprise a respecté ses obligations légales. Il protège l’employeur contre tout risque de délit d’entrave, de remise en cause de décisions internes, ou de litiges prud’homaux liés à des procédures non conformes.
Pour les employeurs comme pour les élus, il est donc impératif de bien maîtriser les cas dans lesquels un PV de carence doit être rédigé, les règles de forme à respecter, les délais de transmission, ainsi que les conséquences juridiques en cas d’omission.
La vigilance est de mise. Chaque étape de la vie du CSE — de son installation à son fonctionnement — est encadrée par des obligations précises. S’y conformer, c’est garantir à la fois la sécurité juridique de l’entreprise et le respect des droits des salariés.
Le procès-verbal de carence du CSE en bref
Qu'est-ce qu'un procès-verbal de carence du CSE ?
Le procès-verbal de carence est un document officiel constatant l’absence de mise en place ou de renouvellement du Comité Social et Économique (CSE) en raison d’un manque de candidatures lors des élections professionnelles. Il atteste que l’employeur a respecté son obligation d’organiser ces élections, malgré l’absence de représentants élus.
Dans quelles situations doit-on rédiger un PV de carence ?
Un PV de carence doit être rédigé dans plusieurs cas
- Absence de candidatures aux premier et second tours des élections professionnelles.
- Quorum non atteint lors du premier tour, suivi d’une absence de candidats au second tour.
- Non-tenue d’une réunion du CSE en raison de l’absence des élus ou d’un ordre du jour non établi.
Qui est responsable de la rédaction et de la transmission du PV de carence ?
La responsabilité de la rédaction du PV de carence incombe à l’employeur en cas d’absence de candidatures lors des élections professionnelles. Ce document doit être transmis dans les 15 jours à l’agent de contrôle de l’Inspection du travail, qui le communique ensuite aux organisations syndicales concernées.
Quels sont les risques pour l'employeur en l'absence de PV de carence ?
Ne pas établir un PV de carence expose l’employeur à des risques juridiques, notamment une accusation de délit d’entrave au fonctionnement du CSE, passible d’une amende de 7 500 €. De plus, l’absence de ce document peut entraîner la nullité de certaines décisions prises sans consultation obligatoire du CSE, augmentant le risque de contentieux prud’homal.